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FESTIVAL D'AVIGNON FESTIVAL DES ARTS DE BRUXELLES

Au Festival d’Avignon, Federico León: no future.

Voilà une oeuvre qui provoque de nombreux débats: agacements et enthousiasmes s’entrechoquent. Il en est ainsi des oeuvres complexes. Avec « Yo en el futuro », le jeune cinéaste et metteur en scène argentin Federico León trouble. Même quand on en sort vide,  à l’image d’une proposition qui se jouerait en dehors de vous. Mais où a-t-elle bien pu se nicher? Trois enfants, trois adolescents et trois personnes âgées regardent un écran de cinéma, télécommande à l’appui. Ils se ressemblent étrangement et l’on imagine aisément qu’ils sont de la même famille, d’une tribu identique. Un film familial des années 50 tourné par le patriarche (lui-même projeté dans la famille des années 70) finit par être vu sur la scène du théâtre. C’est une mise en abîme sans fin, à l’image d’un miroir dans le miroir. Le cinéma s’invite donc au théâtre : pluridisciplinarité, transdisciplinarité ?

La note d’intention du spectacle pose quelques questions passionnantes: « Que se passe-t-il lorsque des jeunes d’aujourd’hui actent à l’identique, ce que leurs ancêtres ont acté avant eux » ; « Qu’est-ce qui change réellement et qu’est-ce qui se répète ? » ; « Qu’est-ce qui se transforme et qu’est-ce qui s’oublie ? ».

Aux interrogations prometteuses, Federico León ne répond pas (ou si peu). Empêtré dans cet enchevêtrement, il semble préoccupé pour donner du sens à sa mise en scène alors que le film (de toute beauté) transcende à lui seul les générations avec une force incroyable. Le théâtre finit donc par regarder le cinéma, mais ne s’y projette pas. Les corps sur scène se statufient, comme tétanisés en l’absence d’une direction d’acteurs à la hauteur des intentions de l’auteur.  Un chorégraphe aurait peut-être pu travailler la dynamique du changement et de la  transformation. Mais ici, le théâtre est un écran (de fumée) qui nous isole du film : symboliquement, nous aurions pu protester pour que le rideau se lève!

La scène est autre chose que le prolongement linéaire d’un plan de cinéma : elle donne à voir le « jeu », “l’implicite”  dont la transmission des codes culturels. Au lieu de cela, les acteurs passent leur temps dans les coulisses. Federico León ne sait plus quoi nous dire à partir de cet enchevêtrement, parce qu’il ne pose jamais un contexte aux différents cycles vitaux de la famille. Tout semble hors du temps en l’absence d’un propos qui traverserait les époques.

Federico León a fait un très beau film et a réussi à positionner de très attachants spectateurs sur scène. Quant au public, il m’est apparu exclu du théâtre, perdu dans cette articulation.

Que ferons, de ce processus, la future génération de spectateurs  ?

Pascal Bély

www.festivalier.net

“Yo en el futuro” de Federico Leon a été au Festival d’Avignon du 20 au 23 juillet 2009.

   Crédit photos: ®Wim Pannecoucke