Je suis en avance (c’est la condition pour avoir la « before » attitude) ; une jeune femme me tend un questionnaire : « Le Théâtre du Merlan souhaite connaître son public ». Je m’efforce de remplir les cases mais une photocopie de ma carte d’identité serait plus efficace. Le Théâtre du Merlan pourrait quand même créer un partenariat avec l’Université pour proposer des questionnaires qui tiennent un peu mieux la route. Certes, les étudiants sont occupés ailleurs et cela se sent : ce questionnaire est aussi light que le programme social de l’UMP.
Tout en remplissant ce pauvre papier, j’engage la conversation avec une chargée des Relations avec le Public. Quel joli titre ! Autant être franc…Cette jeune femme est avenante ; elle m’informe des activités du Merlan et porte son projet artistique. J’évoque mon blog et l’invite à trouver l’adresse via Google et Jean-Charles Gil (la boucle est bouclée). Je suis ravi de cette rencontre et je me sens respecté comme spectateur. La pièce qui suivra (« Psychiatrie / Déconniatrie“) confirmera cette impression.
Mais là où tout ce gâte, c’est à la fin du spectacle. Nous sommes en Avril 2006, soit trois années après la crise de l’intermittence déclanché par Raffarin en juin 2003. A peine la pièce terminée (je n’ai même pas le temps de faire une ovation à Christian Mazzuchini) la Directrice du Merlan et les techniciens sont sur le plateau. Et là…nous avons droit à la lecture de jolis textes entendu mille fois sur le statut de l’artiste, sur la nécessité de sauver le Service Public de la Culture, et gnan, gnan, gnan…
Au même moment, les étudiants font alliance avec les syndicats de salariés pour faire plier en deux mois un gouvernement autocratique. Les intermittents continuent d’être inaudibles, répétant toujours les mêmes modes d’action, positionnant toujours le public dans la même posture (on écoute gentiment et on applaudit tout aussi gentiment…). Je m’en étais ému dans un précédent «After / Before » comme quoi, de Cavaillon à Marseille, rien ne change.
Alors que «Psychiatrie / Déconniatrie » posait la parole comme un acte créatif et libératoire, il semble que les intermittents se soient enfermés dans une communication à sens unique, loin du public et des salariés en situation précaire. Avec le CPE et les étudiants, il y aurait pu avoir la plage sous les pavés…
Pascal Bély – Le Tadorne
A lire, « Psychiatrie / Déconniatrie au Théâtre du Merlan: à devenir fou»