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EN COURS DE REFORMATAGE

Sabine Tamisier joue sa « plus belle histoire d’amour ».

En entrant dans la salle, elle vous regarde pour ne perdre aucun spectateur de vue. Cette femme a l’écoute à fleur de peau. La scène est si petite qu’elle est quasiment acculée à ce mur sombre face à ce public si nombreux venu à Montevideo, espace de création contemporaine niché à Marseille. Nous l’envahissons comme si nous poussions la scène pour la réduire à une cellule de prison. Elle, c’est Sabine Tamisier. Sa robe rouge tranche avec la noirceur du lieu : « Casa nostra », monologue poétique sur l’amour, est à coup sûr un drame passionnel. Comment Héloïse peut-elle dire à Louis, qu’elle l’aime ? Comment Sabine peut-elle clamer au public, son amour du théâtre ?

Elle se lève, s’assoit, s’approche un peu, ne recule jamais. Elle joue avec les mots par le corps. Car Sabine Tamisier a le charisme d’une danseuse pour qui les mots sont mouvement.  Trois chaises (une à droite, au centre, à gauche) font office de points cardinaux pour tracer la voie de l’autonomie vis-à-vis de Louis, d’un chemin transversal pour surprendre son public. Avec Sabine Tamisier, le parcours de l’acteur est chaotique. J’ai peur pour elle. Je crains pour nous, car les mots vous prennent par surprise comme autant de lapsus qui nous feraient vaciller. Pendant quarante minutes, elle réussit à nous séduire, à nous énerver, à nous éloigner, puis à nous élever. Nous sommes Louis, elle est notre héroïne d’une société où la fragilité, l’hésitation ne sont pas encore marchandisées. À mesure qu’elle s’approche de son « Louis » pour se défaire des oripeaux de l’enfance, Sabine rejoint la tribu d’acteurs de Montevideo animée par le metteur en scène Hubert Colas. Je l’imagine déjà éponger le front d’un légionnaire incarné par Manuel Vallade dans « Mon képi blanc », « dont le corps transpirait tant comme autant d’émotions refrénées qui s’immiscaient dans le texte ». Je la ressens près de Claire Delaporte jouant une jeune femme tchétchène dans « Chto, interdit aux moins de quinze ans » où les mots épelés évitaient « soigneusement les élisions comme des balles qui passeraient au dessus de sa tête ».

«Ca ne me quitte pas ça tout en moi dans ma tête ça revient » disait Claire. Horreur de la guerre, tragédie du théâtre.

Bienvenue Sabine.

Pascal Bély

www.festivalier.net

 

“Casa Nostra” de et par Sabine Tamisier a été joué le 6 avril 2009 à Montévidéo à Marseille.

“Chto” et “Mon képi blanc” d’Hubert Colas seront à l’affiche du Festival d’Avignon en juillet 2009.

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