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FESTIVAL MONTPELLIER DANSE

A Montpellier Danse, Emmanuel Gat voit (trop) grand.

À la fin de la représentation, le chorégraphe israélien Emanuel Gat, court vers ses danseurs. Ils occupent la moitié de la scène du Corum de Montpellier, avec pour fond, un mur lointain peint en noir. L’immensité du théâtre procure un sentiment étrange : le dépouillement du décor, la jeunesse de ce groupe, confère à l’ensemble un aspect fragile et touchant. D’un autre côté, cet espace a fortement réduit la portée artistique des deux propositions. Erreur de lieu ou soutien du Festival à ce jeune artiste? Découvert en 2006 à Marseille avec «K 626», je savais qu’Emmanuel Gat pouvait étonner. Ce soir, je suis circonspect face à deux créations qui frôlent un certain académisme.

La première semble engourdir le public du Corum plus habitué dans ce lieu à une danse moins conceptuelle. «Silent Ballet » réunit neuf danseurs, sans musique, à peine troublé par une bande-son qui traduit les bruits captés lors des répétitions. Soucieux de nous restituer le processus de création à partir d’une mécanique qui se déroulerait tel un ADN, l’ensemble s’il est plaisant à regarder, est un exercice finalement un peu vain. Le processus se rationalise peu à peu et l’on se questionne sur l’intention: à quoi bon jouer un processus qui revient au final à nous présenter une jolie forme? À mesure que les danseurs occupent l’espace, leurs bruits n’évoquent en rien celui d’un processus qui est par nature chaotique et imprédictible. Or, pas à pas, tout semble prévisible. Même la fin.

À moins qu’elle ne soit le point de départ de la deuxième proposition, «Sixty Four». On y retrouve des mouvements du premier dans un cadre plus restreint où la scène est divisée par une rampe de lumières (métaphore d’une ligne de démarcation ?) mais avec « l’art de la fugue » de Jean-Sébastien Bach comme accompagnement musical. De chaque côté de ce « mur » symbolique, une jeune fille danse pendant que quatre hommes endimanchés l’observent. Si l’ensemble à des difficultés à se déployer dans l’espace, on est parfois touché par cette danse qui s’appuie sur le sol pour s’élever, où quelques mouvements « religieux » s’incrustent pour former une dynamique groupale émouvante. Mais peu à peu, je recherche une métaphore pour transcender cette architecture stylisée et je m’étonne d’être happé par l’immense mur noir en fond de scène. Trop loin, trop à distance, je cherche dans « Sixty Four » ce que j’avais trouvé dans « K 226 », une danse affranchie des formes chorégraphiques européennes. Mais entre temps, notre homme s’est installé à la maison de la danse d’Istres, près de Marseille. Serait-ce l’influence d’un climat où la danse s’institutionnalise quelque peu?

Rendez-vous en avril 2009 où Emmanuel Gat créera une pièce pour le Ballet de l’Opéra National de Paris. Le processus de création de « Silent Ballet » paraît donc inéluctable.

Pascal Bély – www.festivalier.net

 «Silent Ballet»  et ” Sixty Four” d’Emmanuel Gat ont été joué le 1er juillet 2008 dans le cadre du Festival Montpellier Danse.