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EN COURS DE REFORMATAGE

Jean Lambert-Wild survole ?le malheur de Job?.

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Que va-t-il encore ce jouer ce soir? Après ?26000 couverts? puis ?Slogans?, je redoute que le public soit une nouvelle fois mis en situation d'incompétence. Je pars au Théâtre de Cavaillon à reculons. C'est étrange au moment où Ariane Mnouchkine demande aux citoyens de s'exprimer sur ce qu'ils attendent des artistes. Elle est au demeurant la seule à nous questionner. Cette femme est belle, profondément généreuse quand elle nous parle ainsi. ?Les éphémères?, son merveilleux spectacle, se poursuit dans la sphère publique. On est loin du ton employé par Jean Lambert-Wild venu témoigner, avant la représentation, sur la journée de mobilisation des acteurs de la culture. Avec lui, nous apprenons que nous sommes ?subventionnés? quand il annonce le prix de vente du texte sur la pièce de ce soir (1?) et le tarif modeste des places à Cavaillon. Il faut un sacré culot pour changer les prémices de cette façon. Il doit y avoir un désir inconscient de prendre le pouvoir sur le public pour réduire un lien aussi complexe! La soirée avait déjà mal commencé dans le hall alors qu’un salarié du théâtre me demandait mon numéro de portable pour être utilisé lors du spectacle. J'ai refusé. J'ai craint la manipulation.
?Le malheur de Job?, mise en scène par Jean Lambert Wild est pensé comme un maillage entre le livre de Job (pour les athées irréductibles comme moi, prière de lire ceci!), un clown qui se métamorphose en slameur, un jongleur, une musique électronique et un système de communication par SMS vers le téléphone portable des spectateurs. Le tout est d'une pauvreté artistique déconcertante et d'une intentionnalité déroutante. Le slameur, DGIZ, figure contemporaine de Job et de ses malheurs, déclame un texte peu à peu incompréhensible. La musique de Jean-Luc Therminarias couvre progressivement ses mots et je finis par décrocher et ne plus rien comprendre. La torpeur m'envahit et seules les sonneries des portables me tiennent éveillé (des SMS avec questions métaphysiques sont envoyés aux spectateurs qui répondent pendant que Dgis débite). La ficelle est un peu grosse (le SMS, obstacle à la communication) mais ça passe!  Job amplifie sa révolte jusqu'à reprocher au public de ne pas l'écouter! Fin du premier acte. Je résiste.

Job32.jpgLe rideau transparent protège la scène où un jongleur maladroit (Jérôme Thomas) joue avec des sacs plastiques qui s'élèvent grâce à une soufflerie. DGIS continue de slamer pendant que l'autre fait joujou avec ses sacs avant de s'envoler tel un oiseau. Le contraste est saisissant entre Job et Dieu, révolte et rêverie, métaphore d'une société sûrement inconsciente sur les malheurs qu'elle génère. La scénographie n'est pas sans rappeler celle de Roméo Castellucci. Mais on est plus proche ici du sac ?Leader Price? que du cabas ?Monoprix Gourmet? si je peux filer cette métaphore entre Wild et le dramaturge italien.
Vous l'aurez compris, cette pièce est une somme de disciplines qui ne fait pas une ?uvre. La scénographie est d'une laideur déconcertante, la musique combat le texte et le choix d'une littérature biblique qu'on ?modernise? ne suffit pas à trancender notre dure réalité de Français. Seul DGIS paraît habité par son rôle et l'on regrette qu'il soit entraîné dans cette ?uvre prétentieuse et sans moyens. Son malheur est là, sur scène, métaphore d'un spectacle vivant qui perd le sens et plombe le public à force de le lui faire jouer n'importe quoi.
Par mes impôts, je veux bien subventionner un peu plus la culture pour offrir à DGIS ce qu'il mérite: un metteur en scène.


Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Le malheur de Job » de Jean Lambert-Wild a été joué le 29 février 2008 au Théâtre de Cavaillon.

Revenir au sommaire Un extrait vidéo du spectacle.
L’interview d’Ariane Mnouchkine dans “Le Monde” et dans Télérama.
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