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L’os à ronger pour les chiens de Michel Schweizer.

6ab4a98f1929f700812b759f0e8db92c-a9fce.jpgJ’ose une métaphore : imaginez un théâtre, Le Merlan, dans les quartiers nord de Marseille. Tout d'un coup, cinq chiens et leurs maîtres, un psychanalyste (Jean-Pierre Lebrun) et un philosophe (Dany-Robert Dufour), tout habillés en noirs, envahissent la scène, tel un coup d'état, une attaque terroriste. Pendant plus d'une heure quinze, le public est prié de la fermer, de subir les délires trotskystes et paranoïaques (c'est lié) des deux compères qui se croient au Collège de l'Internationnale pour débiter leurs jeux de mots foireux et leurs raccourcis sur « Le marché », instance suprême qui a dégommé Dieu. Il faut les voir ces quinquas (ceux-là mêmes qui occupent la place et dépriment la jeunesse 1) nous décrire notre monde globalisé en déambulant de long en large sur la scène, territoire de leur petit pouvoir gagné le temps d'une soirée. J'imagine des danseurs et des comédiens, bâillonnés dans les coulisses pendant que nos deux imprécateurs, formés (peut-être!) aux États-Unis, dégueulent leur bile. Et puis, il y a ces chiens, métaphore de ce que nous serions devenus en lien avec le maître, « le marché ». On assiste à un « ballet canin » affligeant où les bêtes ne vont que de gauche à droite, aussi obéissants que les artistes précaires d'Eurodysney.
Lorsqu'apparaît Olivier Besancenot à la télévision, je suis pris de vertige. Il débite les mots d'une mécanique huilée. Je sens bien qu'il me fourgue son prêt-à-penser où le concept de «démocratie » n'a pas sa place. Il m'assomme pour éviter que je pense par moi-même, notamment quand il construit ses équations binaires. Il ne parle jamais d'amour, d'incertitudes, de complexité. Dans son monde à lui, cela n'existe pas. Il ne fait jamais référence aux artistes, acteurs trop aléatoires alors que les militants sont bien plus dociles. L'idée même de créer une articulation originale l'effraie ; de faciliter une  négociation le rebute.
Bleib Opus # 3” de Michel Schweizer s'inspire directement de la pensée de Besancenot, mais surtout de sa représentation de la démocratie à partir d’une mise en scène rigide, descendante, autoritaire. Un pas inquiétant est franchi ce soir au Merlan: pour la première fois, j'assiste à l'envahissement de la scène par la rhétorique politicienne. Nous aurions pu tout aussi voir des militants UMP, le processus aurait été identique. C'est donc une démission de l'artiste, un acte inqualifiable d'avoir mis le public dans cette posture de soumission. Schweizer utilise les mêmes armes que le marché, la rancune en plus et le désir refoulé de se venger sur la jeunesse, indifférente aux idéaux des libertaires, et qui pourrait bien le débouler lui et ses intellectuels à la pensée si binaire !
Oublions donc ce coup d'État et souvenons-nous. C'était à Avignon, l'été dernier. « Le silence des communistes » mis en scène par Jean-Pierre Vincent à partir d'un dialogue entre Vittorio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin. Trois comédiens exceptionnels ont incarné un syndicaliste et deux anciens responsables communistes s'interrogeant sur l'avenir de la gauche italienne en période Berlusconnienne. Ce fut un triomphe, un moment inoubliable de théâtre qui a redonné aux citoyens de gauche un espoir dans la refondation. Cette pièce sera en tournée à partir de l'automne 2008. 

« Notre avenir est incertain, mais peut-être que l'incertitude, personnelle et collective, est la condition dans laquelle nous devons nous habituer à vivre » Myriam Mafai.

« Je suis toujours plus convaincu qu'il y a quelque chose de plus important que la redéfinition de la gauche à travers son identité présumée : il faut chercher une identité nouvelle, ouverte sur des thèmes qui vont au-delà de notre monde « politicien . Pour réformer la res publica, nous devons avant tout nous réformer nous-mêmes. Commençons par le langage ? » Vittorio Foa

Commençons par inviter « Le silence des communistes », au Merlan. Puis débattons. Les chiens seront priés de rester à l'entrée du théâtre


Pascal Bély
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(1): Voir à ce sujet les commentaires sur le spectacle de Danièle Bré, “Insupportable mais tranquille”.

?????? Bleib Opus # 3 de Michel Schweizer a été joué le 26 janvier 2008 au Théâtre du Merlan à Marseille.

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Pour penser l’avenir, “Le silence des communistes” de Jean-Pierre Vincent.



http://www.festivalier.net/article-11379906.html

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Le crash test d’Hélène Cathala au Théâtre de Cavaillon.

Perché sur sa chaise à l'entrée de la salle comme au temps joyeux des barricades, le Directeur du Théâtre de Cavaillon nous prévient :
1- Nous pourrons circuler librement au cours de la représentation.
2- Nous pourrons nous inscrire pour le lendemain à l'atelier du regard animé par « l'excellent journaliste et critique de danse Gérard Mayen ». Il posera des mots sur nos ressentis. La parole est donc une affaire de spécialiste.
3- Nous devons éteindre nos portables, même en situation de crise financière, qualifiée de « bonne nouvelle ». Précision utile pour ceux qui ne peuvent décrypter par eux-mêmes l'actualité.
Le décor dans toute sa verticalité est posé. La suite confirmera mes premières impressions.
slogan-02.jpgA l'issue d'une heure quinze de déambulations et d'enfermement, je sors de la chorégraphie d'Hélène Cathala plus vide que je n'y étais entré. Les « imprécations vociférées » issues du livre de Maria Soudaïeva (« Slogans »), mise en espace à partir d'une régie centrale où officie Dj et vidéastes, où circulent tout autour public et six danseurs, ont anéantis l'articulation entre le texte et la danse. Je ne connais pas Maria Soudaïeva ; on m'avait promis « une fiction alarmante, férocement à l'écart des critères romanesques, un long chant rageur constitué d'incantations, de consignes scandées, de cris d'angoisse, de pseudo slogans anarchisants?et numérotés..Un poème en lambeaux de feu ». Avec de telles intentions, il fallait aider le spectateur à lâcher par une scénographie poétique, virtuelle et sensuelle où la chorégraphie se déploie pour transcender et servir le texte.
Au lieu de cela, le public tourne en rond, finit par s'asseoir sur les bancs circulaires de la régie, puis se relève à l'invitation des danseurs. Rien ne guide, tout est verrouillé. Le décor est si laid que l'on se croirait projeté dans une prison française tant il se dégage une verticalité oppressante. Certes. Mais pour quoi ?
Le livre de Maria Soudaïeva est si écrasant par sa force (autoritaire ?) qu'Hélène Cathala semble (heureusement ?) dépassée. Elle tourne en rond et les corps se désarticulent à partir d'une mécanique et jamais d'une émotion : maladroit, rigide. Elle court après le texte, mais ne le transcende pas. Elle tente quelques raccourcis fumeux (le groupe en banlieue qui fuit, capuches sur la tête, pour échapper aux policiers ?) et finit par rendre statique le spectateur qui de cases en cases se demande à la fin ce qu'il fait là. Les corps vident les mots, la régie centrale prend le pouvoir pour dicter le chaos et finit par produire une improvisation mal cadrée.
Est-ce opportun, dans la France d'aujourd'hui, de subir une telle oppression quand nous allons au théâtre? Sans clefs pour la vivre autrement, nous finissons une fois de plus plombé.
Je n'ai pas besoin de spécialiste de la danse pour le dire haut et fort : ça suffit.

Pascal Bély.
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?????? « Slogans» d’Hélène Cathala a été joué le 22 janvier 2008 au Théâtre de Cavaillon.

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Au Théâtre Antoine Vitez, le “Loft Story” civilisé de Danielle Bré.

Ce mois de janvier réserve décidément quelques surprises. Après le prometteur Thomas Ferrand au Centre Chorégraphique National de Montpellier avec son théâtre si singulier, c'est au tour du Théâtre Antoine Vitez à Aix en Provence, niché au c?ur de l'Université, de surprendre avec « Insupportable mais tranquille » de et par Danielle Bré.
insupportable.jpgHuit personnes, réunies le temps d'un repas, se parlent doucement, s'engueulent, puis poussent la chansonnette dans un huit clos à la fois enfermant et libératoire pour « une évocation anthropologique des classes moyennes en France aujourd'hui ». Le pari est osé : comment ne pas tomber dans la caricature en invitant le gay de service, le retraité communiste marié avec une psychanalyste, la soixante-huitarde reconvertie dans les médecines douces de l'ego, le jeune couple aux statuts et aux idées précaires, deux cadres moyens quinquagénaires installés dans la pinède aixoise ? Comment ne pas produire un puzzle mal agencé avec ces fragments de textes de Curnier, Cadiot, Crimp, Garcia, Lagarce,? tel un Reader’s Digest de la pensée subversive? Comment ne pas brouiller le propos en faisant côtoyer Jean Baudrillard et Eros Ramazotti ? Comment ne pas s'y perdre d'autant plus que Danièle Bré complexifie en évoquant l'individu, le couple, l'intergénérationnel, le sociétal, le tout dans une époque mondialisée.
Dans ce trop-plein apparent, il faut du mou, du marécageux pour que le public s'identifie aux personnages et fasse lui-même son chemin dans le miroir qui lui est tendu. L'espace se doit d'être transversal à l'image de cet appartement ouvert aux quatre vents où les spectateurs au centre regardent jouer les acteurs en interaction avec une partie du public assis de chaque côté. Parfois vautrés sur leur canapé (à la fois divan du psychanalyste et objet d'affaissement devant la télévision de toute une génération), ces comédiens (tous exceptionnels dans leur engagement) sont solides dans leurs certitudes quand ils nous tournent le dos et fragiles quand ils se détournent pour chercher notre regard.
Nous voilà donc au centre de cette pièce et ce n'est pas une vue de l'esprit ! Danièle Bré nous tend le micro dès qu'ils chantent pour consoler nos douleurs égocentrées (de Philippe Katerine à Brigitte Fontaine en passant par Souchon) et nous fait entendre notre époque en perte d'utopie et de projets à partir de ces fragments de texte fabuleux qui forment la fresque de nos colères et de nos désirs collectifs de changement. Les personnages portent ce lourd enchevêtrement et ne sont pas tous égaux pour y faire face (la jeunesse semble particulièrement dépourvue). Ces inégalités rythment l’oeuvre (quel paradoxe!) et lui confère cette fragilité extrême.
« Insupportable mais tranquille » n'apaise pas, ne donne aucune clef. Il s'y dégage un pessimisme déconcertant alors que les acteurs quittent un par un la pièce, nous laissant seuls (à l'image du public fumant la cigarette à la sortie et qui semble ne pas vouloir partir). Il y a une sorte de désenchantement malgré toutes ces chansons, une atmosphère de fin d'époque en dépit de l'apparente modernité de la mise en scène. Que faire de tous ces « blancs », synonymes  d'une société émiettée, qui n'ont cessé de plomber la dynamique de ce groupe? Est-ce une faiblesse de la mise en scène, ou plus généralement une démission de l'artiste qui produit du texte, de la forme, des notes et des chants, mais n'arrive plus à relier les hommes avec une utopie ?
Je quitte l'Université bien seul, dépité, mais malgré tout heureux que le Théâtre soit présent, à l'heure de l'affaissement de toute une génération qui croule sous le poids de la médiacratie
.

Pascal Bély
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?????? ?Insupportable mais tranquille? par Danielle Bré a été joué le 18 janvier au Théâtre Antoine Vitez d’Aix en Provence.


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Geniève Sorin et son manège désenchanté.

20070520-212740-1Web.jpgLe Théâtre des Bernardines convie le public marseillais pour cinq représentations. « Cinq », la nouvelle chorégraphie de Geneviève Sorin est en haut de l'affiche. Quatre soli et un quartet final sont accompagnés par cinq morceaux d'accordéons joués par la chorégraphe en personne. Ce chiffre décliné à l'infini est un repère pour s'accrocher et ne pas sombrer. Je compte les plans-séquences, je cherche le moment de poésie qui va me propulser au-delà de ces solos sautillants, qui finissent par tourner sur eux-mêmes, comme des vieux manèges où les enfants décident de descendre, car le « pompon n'est jamais pour eux ». Tout n'est qu'anodin et cela use ma corde sensible : il n'y a dans ce quotidien routinier rien que la danse puisse apporter. Même quand les mots viennent à son secours, les corps brassent et lassent. Il est loin le temps où je m'ennuyais au théâtre. Ce n'est pas une sensation désagréable (on pense à tout et pour rien), on flotte sans vraiment couler, on scrute un détail (les touches de l'accordéon) puis on se laisse distraire par le portable lumineux de la voisine.
Ils passent ici et là et lassent. Où sont donc ces danseurs pour être à ce point absents ? Sont-ils happés par l'accordéon qui les essouffle à mesure qu'ils s'écartent et se replient. Ils sont cinq dans leur bulle ; il pourrait y neiger et nous chercherions à la secouer pour que cela soit joli. On y verrait bien débouler quelques danseurs et chorégraphes émergents de la scène marseillaise qui transformeraient la neige en pluie pour nous éclabousser comme nous le faisions enfant, juste pour faire sale et emmerder le monde.

Pascal Bély
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?????? « Cinq» de Geneviève Sorin a été joué le 12 janvier 2008 au Théâtre des Bernardines à Marseille.
Crédit photo: Eric Boudet


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Lire la critique sur “3/4 face” de Geneviève Sorin.


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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au CCN de Montpellier, Thomas Ferrand met en mouvement l’émergence.

Quelle étrange coïncidence ! Après «la politique de civilisation» d’Edgar Morin récupérée par Nicolas Sarkozy, le Centre Chorégraphique National de Montpellier invitait le public à débattre sur «l’émergence dans le spectacle vivant». En introduction, Thomas Ferrand présentait sa dernière création, «Idiot cherche village », oeuvre en émergence par excellence. Or, l’émergence est un des concepts développés par Edgar Morin dans sa théorie de la complexité. Tout est donc lié.
Jean-Marc Adolphe, Directeur de la Revue « Mouvement », animait cette soirée face à quelques responsables de scènes nationales, d’un professionnel de la DRAC, d’artistes et de spectateurs anonymes. On aurait pu y voir l’embryon d’un réseau émergeant, décidé à ébranler le paysage culturel en publiant un manifeste ! D’autant plus que l’on apprenait le même soir, les difficultés financières de «Mouvement», subitement menacé pour impertinence envers le pouvoir.
Le débat fut passionnant, comme s’il y avait chez chacun le besoin de s’immerger dans ce concept, de relier, d’articuler passé, présent et avenir. Nous étions nous-mêmes au coeur de l’émergence : nos liens invisibles prenaient peu à peu forme en fonction des contributions, dans une profonde écoute, en résonance pour chacun d’entre nous. L’oeuvre de Thomas Ferrand avait préparé le terrain, terreau pour une « écologie de l’esprit » si chère à Gregory Bateson ! Tentons alors une mise en abyme ! Croisons l’oeuvre et le débat ! « Idiot cherche village » oeuvre émergente ?
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Ils sont cinq à relier les quatre points cardinaux du plateau, par des allers-retours incessants, pour brancher et débrancher. Tour à tour policier, gorille, homme nu et fragile (belle étiquette pour rappeler que nous ne sommes pas une marchandise), femme statufiée puis liquéfiée, tous singuliers, ils s’évertuent à le rester en réponse aux propos du philosophe Bernard Stiegler sur la singularité, diffusés sur scène.
C’est ainsi que se succèdent différentes images de la singularité, sonorisées par des guitares sèches, enveloppées de musiques électroniques et finalement imergentes pour le spectateur! D’autres images singulières du spectacle vivant me reviennent (Jan Lauwers, Jan Fabre, Gildas Milin, Roméo Castellucci) comme une résurgence, tel un bouillon de culture ! Imergence, émergence, résurgence : oui, il se passe quelque chose ce soir au Centre Chorégraphique de Montpellier. Thomas Ferrand crée cet espace entre théâtre, scène rock, performance pour l’agiter, le déconstruire, abattre les frontières entre disciplines. Tout se croise, s’enchevêtre et ne correspond plus à aucune forme (enfin, nous sortons des cases enfermantes !). Je plonge dans ce noir où l’on ne me raconte plus d’histoire, mais où la singularité du lieu et du lien fait le spectacle. Alors que les néons du plafond descendent et frôlent les guitares, qu’une femme baigne dans le sang d’une machine à laver salissante, j’échappe au monde industrialisé formaté par le pouvoir d’achat pour me ressentir dans cet entre-deux. Je suis happé par ma propre singularité à me laisser immerger dans cet espace chaotique, où rien n’est prédictible, où tout a du sens. Je ne m’interdis rien, je n’empêche rien. Je suis bien. La singularité de cette oeuvre est dans la puissance du lien entre elle et nous : elle offre un espace tellement global et maillé si bien que le spectateur ne s’y perd jamais, mais s’y retrouve.
thomas-2.JPG

« Idiot cherche village » pose un défi : celle de permettre à cette oeuvre de se déployer, au hasard des représentations et des lieux (je la visualise déjà au Merlan à Marseille!). D’encourager Thomas Ferrand dans son parcours, celle d’un homme de théâtre singulier, précieux, que rien ne doit empêcher. Je l’imagine, croiser la philosophe et metteuse en scène Patricia Allio qui avec « sx.rx.RX » présenté au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles en 2006 (et prochainement au Théâtre de la Bastille à Paris, enfin !) avait déjoué toutes les classifications en produisant une pièce « hors normes ». Mais en reliant ces deux artistes, une évidence : n’y a pas de création émergente, mais des oeuvres sur l’émergence. Elles seront vitales pour accompagner la politique de civilisation d’Edgar Morin. Essentielles pour rester sujet.

Pascal Bély
www.festivalier.net

« Idiot cherche village» de Thomas Ferrand a été joué le 10 janvier 2008 au CCN de Montpellier.

Crédit photo: Yannick Lecoeur.

 

Revenir au sommaire Consulter la rubrique Spectacles pluridisciplinaires.A lire le passionnant article de Christian Mayeur, d’Entrepart, sur l’émergence créative.
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Bilan 2007 (5/5) : Onze institutions éclaireuses.

undefinedAvec plus de 125 spectacles vus en 2007, j'ai approché les institutions culturelles en France et quelques unes en Europe. Proposer un palmarès est un hommage à ces professionnels engagés qui, avec talent et détermination, accompagnent le spectateur dans des « entre-deux » salutaires et souvent périlleux.
Je salue « Le Sculpture Projetct » de Munster en Allemangne. Tous les dix ans, de nombreux artistes sont invités à y exposer leurs ?uvres (en extérieur) dans toute la ville. Accueil excellent, médiation passionnante, projet global qui relie l'art et la ville, professionnels accessibles. Inoubliable manifestation. Rendez-vous en 2017.

« Visa pour l'image » à Perpignan a frappé fort cette année. Même si l'accueil du public n'a pas toujours été à la hauteur, je salue la cohérence des expositions et l'engagement de cette manifestation à nous faire ressentir le monde tel qu'il est. Exceptionnel.
J'ai pour le « KunstenFestivalDesArts » de Bruxelles, une affection toute particulière. C'est l'un des rares festivals à afficher un projet artistique autour des valeurs du paradigme systémique. L'édition 2007 a quelque peu déçu ; il n'en reste pas moins un rendez-vous incontournable en Europe pour repérer les nouveaux courants de la création. Rendez-vous pris du 9 au 31 mai 2008.
Toujours en Europe, le festival pluridisciplinaire « Trama » à Porto en novembre dernier fut une belle expérience. J'ai vécu trois journées passionnantes dans une ville ouverte aux performances. « Trama » a un avenir européen. C'est inéluctable.

Retour en France avec « Montpellier Danse ». Ce fut de loin le meilleur festival cette année : cohérence de la programmation, qualité des propositions, prises de risque, excellence de l'accueil téléphonique, partenariat naissant avec la blogosphère. Heureux Montpellièrains quand on sait ce qu'il est advenu à « Danse à Aix » et ce que nous propose, ici
à Aix en Provence, les Ballets Preljocaj au «Pavillon Noir ».
Le Festival d'Avignon reste incontournable, même avec Frédéric Fisbach comme artiste associé. Mes différents palmarès le prouvent : Avignon rayonne sans toujours éclairer. Je regrette la détérioration du lien avec le public par un système de billetterie bureaucratique et inefficace. Je rêve que le « In » et le « Off » créent des passerelles tant ce mur devient incompréhensible.
A suivre…
Mention toute particulière au Festival de danse « Faits d'Hiver » à Paris pour son ouverture vers la blogosphère et la qualité de sa programmation. Elle offre une focale assez large en privilégiant les auteurs ? chorégraphes.


Côté théâtres dans les Bouches du Rhône et le Vaucluse, le bilan est beaucoup plus contrasté. Entre spectacles événementiels annoncés sur de jolies brochures où l’on parle d’art avec le langage des publicitaires, structures qui refusent de se concerter et proposent le même soir au même public de la danse, stratégies de repli de certains festivals vers des publics d'entreprise ou des thématiques réductrices et dépassées, enfermement de certains spectacles entre quatre murs où se donnent rendez-vous les professionnels de la profession, gestion de théâtres confiés aux mandarins locaux, le spectacle vivant a souffert en PACA. Je reste surpris par une vision souvent « régionaliste », conservatrice (où les clichés sur Marseille sont toujours vendeurs) et peu ouverte sur l'Europe ou le Monde. Les programmateurs voyagent-ils 
?

Dans ce contexte, saluons trois institutions dont le
Théâtre d'Arles qui nous a proposé une programmation lisible, ouverte, en privilégiant des ?uvres qui invitent à réfléchir sur le monde et ses soubresauts. Si la saison 2006-2007 du Théâtre des Salins à Martigues fut exceptionnelle, il en est tout autrement pour celle en cours. Un virage à 180° incompréhensible si ce n'est pour répondre “aux attentes du public” au détriment d'une cohérence et de vraies prises de risque dans une région qui en aurait besoin. 

Le Théâtre de Cavaillon a eu une programmation en
phase avec son territoire : entre ses virées « nomades », ses liens étroits avec le Festival d'Avignon et les Hivernales, il nous a offert une saison ouverte aux quatre vents ! C'est souvent percutant, parfois déjà vu (notamment quand il reprend ce qui s'est joué en Avignon) et quelquefois tourbillonnant tant on y perd le sens ! N'empêche, Cavaillon est une scène incontournable en PACA. Comme une espèce d'oiseau qu'il faut protéger
.Côté volatile, je m'y connais?
Mention toute particulière au Festival Actoral à Marseille qui, sous la direction d’Hubert Colas, nous a offert un théâtre en phase avec l’époque par son approche pluridisciplinaire.


Pascal Bély
www.festivalier.net

Photo: oeuvre de Sophie Dubosc (rideau en plâtre présenté au “Printemps de Septembre” à Toulouse).

Bilan 2007 (5/5): onze institutions éclaireuses.


1- Le Sculpture Project de Munster. Allemagne.
2- « Visa pour l'image ». Perpignan. France.
3- Le KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.
4- Festival Trama. Porto. Portugal.
5 – Théâtre d'Arles. France.
6- Festival Montpellier Danse. France.
7- Festival d'Avignon. France.
8- Festival « Faits d'Hiver ». Paris. France.
9- Festival Actoral. Marseille.France.
10- Théâtre des Salins. Martigues. France.
11- Théâtre de Cavaillon. France.

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Bilan 2007 (3/5): dix ?uvres d’une drôle d’époque.

Ils se sont donc emparés de notre époque pour nous en offrir une lecture décalée, parfois drôle, souvent émouvante.
undefinedAriane Mouchnkine a fait l'événement l'été dernier au Festival d'Avignon, avec « Les éphémères ». Plus de six heures trente d'un voyage au c?ur d'un lien social, de plus en plus invisible médiatiquement, mais mis en lumière par le Théâtre du Soleil avec poésie. Sans aucun doute, le spectacle le plus authentique, car le plus résonant. Inoubliable (voir photo).
D'autres créateurs ont décrit notre époque avec des angles inattendus, telle Éléonore Weber qui s'est penché avec tact sur les sombres humeurs des trentenaires avec « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine » ou Galin Stoev avec « Genèse nº 2 » posant la question du religieux avec une belle insolence. Quant au chorégraphe Alain Buffard, « Not a love song » résonne particulièrement en ces temps de peopolisation de la vie publique. Bien vu ! Quant à Aurélien Bory et Pierre Rigal, ils nous ont offert un regard décalé et intelligent sur le football, sport omniprésent médiatiquement, mais subitement vulnérable avec « Arrêts de jeu ». Bien joué
 !
Notre époque invente peu dès qu'il s'agit des jeux de pouvoir. François Rancillac l'a subtilement restitué avec la pièce de Jean-Luc Lagarce, « Retour à la citadelle ». Moments inoubliables où fonctionnaires et politiques jouent les mêmes jeux, mais dans une « cour » différente ! Le pouvoir fut d'ailleurs au c?ur de « l'acte inconnu » de Valère Novarina joué dans le Cour d'Honneur au Festival d'Avignon. Scènes d'anthologie où les mots déconstruits célèbrent le pouvoir du théâtre sur l'éphémère rationalité de la culture médiatique. Jubilatoire !
Les mots peuvent tuer surtout s'ils sont mis en mouvement par les chorégraphes et performeuses Brigitte Seth et Roser Montllo !  En s'inspirant des textes de Max Aub sur le crime dans « Epilogos, confessions sans importance » , elles ont traduit le climat quelque peu délétère d'une époque ou tuer serait peut-être l'une des activités les plus répandues?Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier avec « Hedda Galbler », roman  du norvégien Henrik Isben écrit en 1870, a subtilement adapté cette tragédie où la concurrence entre les acteurs trouve une résonance particulière dans nos sociétés où le culte du chacun-pour-soi envahit la sphère politique, économique et sociale.
Mais la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin est revenue en France pour nous rappeler la fragilité de nos sociétés tant que le sida continuera à décimer l'Afrique. Lors de Montpellier Danse, elle engagea avec le public, un marathon chorégraphique pour réveiller notre attention sur l'épidémie. Sid'amour à mort
.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Bilan 2007 (3/5): 10 ?uvres d'une drôle d'époque.


En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.

1- Théâtre du Soleil.  Les Ephémères“. Festival d’Avignon. France / Théâtre.
2-
Alain Buffard. «Not a love song ».  Montpellier Danse. France / Théâtre ? Danse.

3- François Rancillac. « Retour à la citadelle ». Théâtre de Cavaillon. France / Théâtre.

4- Thomas Ostermeier. « Hedda Gabler ». Théâtre de la Criée de Marseille. Allemagne / Théâtre.

5- Valère Novarina. « L'acte inconnu ». Festival d’Avignon. France/ Théâtre.

6- Brigitte Seth et Roser Montllo. « Epilogos, confessions sans importance ». Festival Faits d'Hiver.
France / Théâtre ? Danse.

7-
Robyn Orlin. « We must eat our suckers with the wrappers on? ». Montpellier Danse. Afrique du Sud / Théâtre ? Danse.

8- Pierre Rigal et Aurélien Bory. « Arrêts de jeu ». Festival de Marseille. France / Danse.

9- Galin Stoev. « Genèse n°2 ». Festival d'Avignon.  Belgique / Théâtre.

10- Eléonore Weber. « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine ». Festival d'Avignon. France / Théâtre.
 

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Bilan 2007 (2/5) : Les dix ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.

Maguy-Marin-1.jpgCes dix ?uvres furent essentielles en 2007. Elles tissent la toile fragile d'un patrimoine chorégraphique d'où se dégage un humanisme qui donne sens à notre quête d'absolu dès que nous entrons dans un théâtre.
« May B » de Maguy Marin (cf. photo) a repris la route en 2007 après avoir été créée en 1981. Avec cette pièce intemporelle, la danse nous invite au c?ur de l'humanité pour continuer à défendre la « terre patrie » si chère à Edgar Morin.  Je ne peux m'empêcher d'y voir une filiation avec la compagnie « Kubilaï Khan Investigations » qui nous a offert avec « Gyrations of barbarous tribes », l'une des ?uvres les plus puissantes pour redessiner les contours d'un monde dépassant les clivages nord-sud. C'est ainsi que la danse puise dans l'humanité une force pour créer les ponts entre l'orient et l'occident qu'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux ont traduit avec talent dans « La danse de Pieze », puis Joseph Nadj et Dominique Mercy dans « Petit psaume du matin ».
De son côté, le Festival Montpellier Danse a opéré pour les générations futures, une transmission essentielle en programmant un hommage à Dominique Bagouet puis en diffusant « Meinwärts » de Raimund Hoghe. Le sida s'est donc invité en 2007, sans tapage, mais avec la ferme intention de rappeler sa place dans l’histoire de la création chorégraphique.

2007 a permis à quatre chorégraphes de dépasser la frontière entre le beau et le sublime comme une invitation pour le spectateur à se surpasser. Tandis qu'Anne Teresa de Keersmaeker avec « Steve Reich Evening » nous propulsait au c?ur de la musique chaotique de Steve Reich,  Paco Décina avec « Indigo » nous proposait une itinérance pour explorer le corps dansé. Fulgurant ! Magnifique pari d'avoir su faire confiance au lâcher-prise du public pour le laisser se “trans-porter” !
Dans la même veine, Gilles Jobin avec « Double-Deux » nous immergé dans le couple, sans jamais nous y enfermer, mais pour nous y inclure. Majestueux
.

Christian Rizzo
avec « B.c, janvier 1545, Fontainebleau » n'est pas seulement un chorégraphe. C'est le plasticien de l'inconscient. La danseuse Julie Guibert nous a tous « trans-percés » avec ses talents aiguilles. SUBLIME.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Les 10 ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.

 
En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.

1- Maguy Marin. « May B ». Festival « Danse en Mai ». Aubagne. France.
2- Anne Teresa de Keersmaeker. « Steve Reich Evening ». Théâtre de Cavaillon. Belgique.
7- Raimund Hoghe. « Meinwärts ». Montpellier Danse. Allemagne.
9- Gilles Jobin. « Double deux ». Montpellier Danse / Marseille Objectif Danse. Suisse.
10- Kubilaï Khan Investigations. « Gyrations of barbarous tribes ». Théâtre des Salins. France.