Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

A Aix en Provence, les pas de côté du festival ?Seconde Nature”.

C'est une ambiance un peu étrange qu'inaugure le Festival des musiques électroniques d'Aix en Provence, ?Seconde nature?, en se produisant dans le Théâtre à l'italienne du ?Jeu de Paume?. Il accueille un public peu habitué aux salles dorées pour ce style de performance. Doit-on y voir une reconnaissance ?institutionnelle? pour ce Festival qui vient d'opérer sa révolution en fusionnant deux anciennes manifestations aixoises, ?Arborescence? et ?Territoires électroniques?? C'est donc sagement assis que nous écoutons deux univers musicaux, propices au regard décalé, pour se décentrer d'une semaine pour le moins agitée.
koudlam-2.JPG
Koudllam est le premier à se risquer pour faire trembler les murs de ce vénérable théâtre. Debout, en contre-jour, il chante le monde tel que le montrent les vidéos de l'artiste Cyprien Gaillard. Elles furent projetées lors de l'exposition ?Enlarge Your Practice? à la Friche Belle de Mai de Marseille durant tout l'été. La musique m'avait à l'époque troublée. Le hasard des programmations fait le lien, à moins que ce ne soit les acteurs culturels qui tissent entre Aix et Marseille ce que la ligne de chemin de fer entre elles est bien incapable d'opérer! L'alchimie entre les deux univers fonctionne même si l'on peut regretter la faiblesse d'un volume qui semble ne pas vouloir écraser le regard panoramique de Cyprien Gaillard. On est pris de frayeur à voir deux bandes rivales s'affronter dans le parc public d'un ensemble d'immeubles. La silhouette de Koudlam et sa voix plonge dans la ?danse? des groupes et nous propulse telle au c?ur de l'agressivité et du mouvement chaotique engendré par la dialogique exclusion – inclusion. Il se dégage de l'articulation entre musique et vidéo, un charme, une beauté déconcertante. Le processus artistique serait-il une réponse aux violences des cités? Doit-on reconsidérer notre regard comme nous y invite Cyprien Gaillard lorsqu’il survole en hélicoptère ces barres d'immeubles, pour leur conférer un statut d’?uvre d'art? Troublant. Le public applaudit à peine tandis que Koudlam s'éclipse. Malaise ou sidération? Les deux.
PierreBastien-Bastien-Poulin2004--4.JPG
L'entracte permet de changer totalement d'univers même si le monde infiniment complexe des cités pouvait trouver avec Pierre Bastien un prolongement poétique. Installé à gauche de la scène comme un enfant qui joue dans sa chambre pour ne déranger personne, il produit une musique déconstruite et mélodique à partir de jouets automates (un tourne-disque, un petit tambourin, des lamelles de papier,..). Avec une trompette filtrée, il mélange blues et bruits mécaniques tandis qu'une vidéo aux accents ?Lynchiens? capte notre regard pour définitivement nous engloutir dans une sphère où la déconstruction est la règle. À l'instar de Michel Laubu avec ses marionnettes, ou du metteur en scène Suisse Stefan Kaegi avec son théâtre en miniature, la réduction amplifie le lien, le sens comme si les artifices n'y avaient pas leur place, où l'imaginaire prend le pas sur le rationalisme de nos sociétés uniformisées. La performance est d'autant plus exceptionnelle que la musique de Pierre Bastien se fond dans la vidéo de Régis Cotentin et finit par opérer un lâcher-prise salvateur. Les frontières tombent, le regard cesse les allers-retour entre lui et l'écran. Il  se crée alors un nouvel espace que seul notre inconscient construit pour nous aider à ressentir ce moment unique, car inimitable.

Pascal Bély
www.festivalier.net
La vidéo de Cyprien Gaillard sur une musique de Koudlam,:

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=TgVVQlFrN-U&w=425&h=355]