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EN COURS DE REFORMATAGE

A la Criée, une cure de jouvance théâtrale avec Piotr Fomenko.

Je suis à côté d'une vieille dame, debout, pour applaudir à tout rompre : elle sourit, moi aussi ; elle crie «bravo», je tape des pieds. En sortant de La Criée, nous sommes côte à côte pour remonter le quai du Vieux Port de Marseille. Comme si nous étions d'anciennes connaissances, nous nous remémorons « Guerre et Paix » de Léon Tolstoï créée par Piotr Fomenko. Cette mise en scène rend heureux : elle semble avoir été imaginé pour cela.
Pourtant, le contexte est tragique. Nous sommes en 1805 et Napoléon dirige d'une main de fer presque toute l'Europe sauf la Russie, qui résiste. Sur scène, une carte ? rideau de l'Europe s'ouvre et se ferme au rythme des trois actes. De chaque côté, deux portraits inachevés de Napoléon et d'Alexandre 1er accrochés à deux piliers. Ils soutiennent un décor d'un étage fait d'armatures en fer où échelles et cadres en bois pivotants font office d'escaliers et de portes. Ce décor dit tout : entre la France et la Russie, une famille se déchire à coup d'héritage, de trahisons bonapartistes et de fidélité à la mère patrie. Entre le contexte international et la complexité des liens familiaux, Piotr Fomenko réussit à animer cette carte au gré des alliances et coalitions des acteurs. Le mobilier en bois donne à l'ensemble un aspect vivant et fragile ; le jeu balance entre insouciance et gravité à l'image de l'encadrement des portes avec lequel les comédiens s'amusent pour entrer et s'en libérer. Lorsqu'ils marchent en apesanteur sur des chaises ou des marches d'escalier, la mise en scène joue sur l'équilibre des forces entre français et Russes, entre la mort et la vie.  
Je pourrais recenser à l'infini les subtilités de cette mise en scène de l'équilibre : quand le rez-de-chaussée joue, le premier étage éclaire sur l'enjeu ; les mots en français sont disséminés dans le texte comme autant de notes de musiques qui allègent le jeu. Le plaisir de jouer des comédiens devient le plaisir d'être spectateur comme si le lien de l'époque entre la France et la Russie se créait dans la salle. Troublant?
Sans complexe, Piotr Fomenko s'amuse avec les mots et les corps et s'anticipe du poids d'un texte et des traditions. Ce théâtre là fait du bien au moment où nous cherchons en France les voies qui mèneraient vers une culture populaire, de qualité et ouverte sur le monde. Une chose paraît certaine : ni Nicolas Sarkosy, ni Vladimir Poutine ne sont à la hauteur de ce bel enjeu démocratique. Anna Politkovskaïa le savait trop.


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